1. Les premiers transmetteurs de hadîth 1.1. Les çahâbaCeux qui ont compilé, codifié et transmis les paroles, les actes et les autres incidents dans la vie du prophète Mohammed (
) connus comme les Narrateurs des traditions, furent les compagnons du Prophète (
) lui-même, leurs fils et leurs descendants qui vécurent jusqu'au quatrième siècle de l'hégire.
Une fois que tous ces récits furent consignés par écrit, on procéda aussi à la rédaction de la biographie de tous les narrateurs ou autres personnes qui ont eu quelque lien avec la transmission de ces Traditions du Prophète (
).
Toute cette compilation encyclopédique - environ 100 000 esquisses biographiques- est connue sous le nom de : « Asmâ-Ur-Rijâl ».
Le Docteur A. Springer, le célèbre savant allemand qui fût intimement lié aux activités littéraires de la société asiatique du Bengale jusqu'à 1854, et, qui publia, entre autres, « al-Maghâzi » d'al-Wâqidî, et « Al-Içâbah-fî-Tamyîz-is-Sahâbah », un recueil des compagnons du Prophète (
) d'al-Hâfidh Ibn Hajar, souligne dans son introduction de « Al-Içâbah », l'exploit sans précédent dans la domaine de l'historiographie chez les musulmans. Il a écrit :
« La gloire de la littérature chez les musulmans réside dans sa biographie littéraire. Il n'existe aucun peuple, qui, comme eux, a pendant douze siècles rédigé les récits de la vie de chaque homme de lettres. Si on faisait un recueil des récits biographiques des Musulmans, nous aurions probablement les biographies d'un demi millions d'hommes qui se sont distingués dans leurs domaines respectifs ; aussi verra-t-on qu'il n'y aurait pas une seule décennie, de leur histoire, ni un endroit important qui n'y trouverait pas sa place ».
Le Prophète (
) accompli son dernier pélerinage- le Pèlerinage d'Adieu- en compagnie de plus de 100 000 compagnons. L'histoire a enregistré les biographies d'environ 11 000 de ces compagnons qui ont transmis quelques hadîths aux autres. Le fait d'avoir transmis un hadîth leur a valu une mention dans l'histoire écrite.
Le Saint Prophète (
) quitta ce monde en l'an 11(A.H)/ 632 (A.C) alors que les vétérans parmi les compagnons vécurent jusque l'an 40 (A.H) / 660 (A.C). A cette époque il se trouvait encore parmi eux grand nombre de jeunes compagnons. Vers la fin du premier siècle A.H (Après l'Hégire), cependant, presque tous avaient quitté ce bas-monde. Voici les noms de ceux qui furent les derniers à rendre l'âme en différents endroits du monde islamique.
>>>>>
Nom>>>>>
Lieu de décès>>
Année A.H / A.C Aboû Umâma-l-Bâhilî>>>>>>>Syrie>>>>>>>>>>>>>86 /705
Abdallâh ibnou-l-Hârith>>>>>>Egypte>>>>>>>>>>>>86 /705
Abdallâh ibn Abî Awfâ Al-Koûfah>(Irak)>>>>>>>>>>>87 / 706
as-Sâ-ib ibn>>>>>>>>>>>> Yazîd Médine>>>>>>>>91 / 709
Anas ibn Mâlik>>>>>>>>>>>Al-Baçrah (Irak)>>>>>>93 / 711
Anas ibn Mâlik qui fut le dernier des compagnons à être rappelé vers le Créateur, était le serviteur personnel du Prophète () pendant dix ans à Médine.
1.2. Les tâbi'înLa période des successeurs des compagnons- connus sous le nom de Tâbi'în, commença en fait depuis l'émigration du Prophète (
) Ils étaient les personnes qui avaient vu le Prophète et ont conversé avec quelques compagnons, mais non pas avec le Prophète (
) lui-même. Beaucoup d'entre eux étaient déjà nés quand le Prophète () était encore en vie ; Mais, étant trop jeune ou loin de Médine, ils n'ont pas partagé la compagnie du Prophète (
)
Abdurrahman ibnou-l Hârith naquit en 3 A.H / 624 A.C ; Qais ibn Abî Hâzim en 4 A.H / 625 A.C et Sa'îd ibn Mus'ab en 5 A.H / 626 A.C. Plusieurs autres, comme eux, sont considérés comme les disciples des compagnons. Ils s'étaient dispersés à travers les territoires, alors que les frontières islamiques s'élargissaient. Ils s'étaient installés dans les coins les plus reculés, enseignant et prêchant la religion islamique et les pratiques du Prophète (
).
Ils étaient très nombreux, car à Médine seulement, il y en avait 139 qui ont appris aux pieds des vétérans compagnons du Prophète (
) , et 129 de plus qui ont appris les traditions de plusieurs compagnons autres que les vétérans, alors que 87 ont glané des informations sur le Prophète (
) d'un ou deux de ses compagnons seulement. Il y avait donc, 335 de ces Tâbi'ine à Médine seulement, d'après un récit de Ibn Sa'd. Tous les autres se trouvaient dispersés à la Mecque, à Taif, à Basra, à Kufa, à Damas, au Yémen et en Egypte, propageant et disséminant la parole d'Allah et celle de son Prophète (
) . Si nous supposons que chaque compagnon ait transmis à ses disciples, au moins, quelques hadîth, qui furent tous classifiés et compilés plus tard, que d'innombrables récits avaient du être notés en ce temps là !
Cependant, le nombre de traditions transmises par quelques uns des compagnons du Prophète (
) , que vous trouverez dans le tableau ci-dessous, vous donnera une idée plus exacte du grand nombre de ces récits.
Nom du compagnon>>
Nombre de traditions>
( hadîth ) Aboû Houreira>>>>>>>>>>( mort en 59 / 678 ) >>>>>>5374
Abdallâh ibn Abbas>>>>>>>( m. 68 / 687 ) >>>>>>>>>2660
Aïcha>>>>>>>>>>>>>>>>( m. 58 / 677 )>>>>>>>>>2220
Abdallâh ibn Omar>>>>>>>>( m. 73 / 692 )>>>>>>>>>1630
Jâbir ibn Abdallâh>>>>>>>>>( m. 78 / 697 )>>>>>>>>>1560
Anas ibn Malik>>>>>>>>>>>( m. 93 / 711 )><<<<>>>>1266
Aboû Saïd Al Khudri>>>>>>>>( m. 74 / 693 )>>>>>>>>>1170
Ces nobles compagnons vécurent assez longtemps après la mort du Prophète (
), pour propager toute leur science à un grand nombre de personnes. C'était l'époque où la connaissance des Traditions du Prophète (
) jouissait de la plus haute estime et du patronage de la société, garantissant une position honorable dans les cercles religieux aussi bien que mondains. Des milliers de compagnons se conformaient ainsi aux paroles de leur Maître bien-aimé qui dit :
« Propagez tout ce que vous entendez de moi », et
« Apprenez à ceux qui ne sont pas présents tout ce que vous entendez de moi et ce que vous me voyez faire »
Ils considéraient cela comme un devoir et s'employaient à transmettre d'instruire leurs progénitures, amis et connaissances dur les enseignements du Prophète (
). Avant que cette génération eût disparu, cette ardente soif de connaissance et cette sollicitude qu'elle avait éveillée amenèrent dans son sillage d'étudiants et de savants débordant de zèle et d'enthousiasme, avides de préserver ce précieux trésor que leurs prédécesseurs leur avaient légué.
2. Les raisons de la prédominance de la transmission orale des hadîths La méthode d'enseignement, à cette époque, consistait à apprendre par coeur chaque mot et à le répéter devant l'enseignant, qui à son tour, devait s'assurer que l'élève a bien su avant que celui-ci puisse se permettre d'enseigner aux autres. Le Prophète (
), tout en insistant sur la propagation de ses paroles et ses actes, a également prévenu :
« Celui qui, à dessein, déforme mes enseignements ou propage des faussetés est condamné à la perdition »
On rapporte que certains des éminents compagnons et savants érudits, tremblaient de tout leur corps de crainte de commettre une faute en récitant un hadîth et encourent, de ce fait, la colère éternelle de Dieu. Abdallâh ibn Mas'ûd était si prudent qu'une fois, lorsqu'il rapportait quelque chose à propos du Prophète (
), sa figure devint pâle comme la mort et il s'empressait d'ajouter : « Le Prophète (
) l'avait dit ainsi ou dans ce sens. »
Une mémoire solide était pour les Arabes un don de Dieu. Ils avaient l'habitude de retenir des centaines de vers chantant les éloges de leurs tribus, leurs ancêtres et même leurs chevaux de bonne souche. Comme toute autre faculté de l'homme une mémoire tenace se développe par un usage constant.
Les compagnons et leurs successeurs, qui étaient avides de retenir le plus petit détail se rapportant au Prophète (
), avaient développé cette faculté au plus haut degré de perfection. Ils avaient l'habitude d'apprendre par coeur chaque parole, chaque action, chaque événement de la vie du Prophète
avec le même soin méticuleux par lequel les musulmans, de nos jours, apprennent le Coran.
Chaque Narrateur pouvait répéter, mot par mot, des dizaines de milliers de traditions. Quoiqu'ils les rédigeaient parfois par écrit, ils ne pouvaient prétendre mériter le respect des autres, aussi longtemps qu'ils ne les récitaient pas de mémoire. D'ailleurs, le recours aux notes était considéré comme le témoignage d'une mémoire défaillante et pourrait discréditer le savant, on ne réservait ordinairement de telles annotations que pour son usage personnel.
Les raisons sont multiples pour expliquer l'hésitation des compagnons à consigner en écrit les traditions du Prophète (
) au début même de sa mission.
2.1. Première raison.Le Prophète (
), aux premiers jours de sa mission, avait défendu qu'on écrive quoique ce soit sauf la parole sacrée d'Allah. On rapporte que le Prophète () avait dit à ses compagnons :
« N'écrivez rien qui vient de moi sauf le Coran »
Cet ordre était destiné à l'homme ordinaire pour éviter que les révélations se confondent avec les traditions. Mais plus tard, lorsque la révélation était sur le point de cesser et le peuple eut appris à distinguer entre les deux, le Prophète (
) permis aux compagnons d'écrire ce qu'ils entendaient de lui. Il y avait cependant des compagnons qui, par excès de prudence, s'abstenaient toujours d'écrire, fût- ce une seule tradition, de crainte de commettre une faute et encourir ainsi le déplaisir du Prophète (
)
2.2. Deuxième raison.Les Arabes dédaignaient d'écrire tout ce qui devaient être appris par coeur. Quelques-uns des compagnons étaient d'avis que, du moment que les traditions du Prophète (
) auraient été rédigées en écrit, les gens abandonneraient la pratique de les apprendre par coeur. Selon eux, l'habitude d'écrire rendait les gens indolents, car à tout moment ils ne feraient que consulter leurs notes. Cette crainte n'était pas entièrement injustifiée, puisque nous voyons qu'à mesure que les annotations des traditions augmentaient, les érudits en abandonnaient graduellement la mémorisation. Avec le temps, leur transcription écrite ne constitua cependant nullement un obstacle à l'érudition.
2.3. Troisième raison.Les Arabes n'aiment pas écrire quelque chose et puis l'apprendre par coeur. Selon eux, c'est signe d'une mémoire courte. Pour cette raison, s'ils devaient écrire quelque chose, ils essayaient toujours de le dissimuler. Les premiers érudits étaient d'avis que, tout ce qui est gravé dans le coeur était plus en sécurité et plus durable, que ce qui est écrit. Ils pensaient qu'un texte écrit était toujours exposé aux risques d'interpolation et de destruction tandis que ce qui est renfermé dans la mémoire de l'homme se trouve hors de la portée de tout intrus.
Toutefois, il est inexact d'affirmer que les récits ayant trait aux enseignements, à la vie et à la conduite du Prophète (
) furent transmis uniquement par voie orale pendant les 90 ou 100 premières années, comme les orientalistes le prétendent. Cette idée erronée est attribuée au fait que « Al-Mouwatta » de l'Imam Mâlik ( mort en 179 A.H / 795 A.C ) est généralement considéré comme la première compilation de hadîth.