Que se passe-t-il apres la mort?1. L'âme en questionNous musulmans croyons en l'existence de l'âme, et disons que l'homme est composé d'un corps et d'une âme (Ar-Rûh, pp. 170-171 - éd. Dâr al-hadîth). Nous musulmans croyons que si l'âme n'est pas matérielle, elle est bien réelle. "Et ils te questionnent au sujet de l'âme. Dis : "L'âme relève de l'affaire de mon Seigneur. Et il ne vous a été donné que peu de connaissances"." (Coran 17/85). D'après un des avis rapportés par Ibn Kathîr, ce verset parle bien de l'âme humaine (Tafsîr, tome 3 p. 55).
2. Lors de la mort, l'âme se sépare du corps et...Les Hadîths du Prophète enseignent que :
à la mort de l'homme, son âme quitte son corps (Muslim n° 2872, Abû Dâoûd n° 4753, Ahmad n° 17803, Ibn Mâja, n°4262) ;
l'âme est alors emmenée par des anges (Muslim n° 2872, Abû Dâoûd n° 4753, Ahmad n° 17803) qui la conduisent et l'élèvent dans les cieux (Muslim n°2872, Ahmad n° 17803) ;
l'âme de la personne de bien (mu'min) est alors emmenée jusqu'au ciel le plus élevé (Ahmad n° 17803),
Dieu dit d'écrire le nom de la personne de bien dans le registre des 'Illiyyîn, puis dit de retourner l'âme vers la terre, car c'est d'elle qu'Il a créé l'homme, à elle qu'Il la fait retourner et d'elle qu'Il le fera revenir (Ahmad n° 17803, voir commentaire de Mirqât) ;
l'âme est alors ramenée au corps (Abû Dâoûd n° 4753, Ahmad n° 17803) [juste après l'enterrement de celui-ci (Ar-Rûh, p. 97)] ;
deux anges viennent dans la tombe, font s'asseoir la personne (Al-Bukhârî et Muslim) et procèdent à son épreuve examinatoire en lui posant trois questions (Abû Dâoûd n° 4753, rapporté de façon sommaire par Al-Bukhârî et Muslim) ;
à la personne de bien, qui réussit son épreuve, ces deux anges font voir une place dans l'enfer en lui disant qu'elle en a été épargnée, puis font voir la place qui lui est réservée dans le paradis (après le jugement dernier) (Al-Bukhârî et Muslim) ;
ces deux anges lui disent de dormir (reposer) en paix et avec bonheur (At-Tirmidhî n° 1071),
la tombe de cette personne est élargie et illuminée (At-Tirmidhî n° 1071) ;
une porte est ouverte dans la tombe vers le paradis, porte par laquelle parviennent à cette personne les effluves et les parfums du paradis (Abû Dâoûd n° 4753, Ahmad n° 17803) ;
les bonnes actions de cette personne prennent la forme d'un homme de belle apparence, bien habillé et exhalant une suave odeur, qui lui donne la bonne nouvelle de sa réussite (Ahmad n° 17803) ;
les âmes des hommes de bien (mu'minîn) qui étaient morts avant cette personne viennent la rencontrer ; on questionne le nouvel arrivé au sujet d'Untel (qui vit encore) et d'Untel (An-Nassaï n° 1832) ;
régulièrement il est présenté à cette personne sa future place dans le paradis (après le jugement dernier) (Al-Bukhârî et Muslim) ;
telle un oiseau, l'âme de cette personne vole également (près d'un ruisseau) paradisiaque, allant d'arbre en arbre (Mâlik, Ibn Mâja n° 4271, Ar-Rûh p. 95).
Il s'agit là de ce qui est réservé à la personne de bien (mu'min). Des choses différentes attendent la personne de mal .
3. Où l'âme se trouve-t-elle après l'enterrement : dans la tombe ou dans un monde parallèle ?
Quand on parle du "monde de la tombe", c'est uniquement parce qu'en général les défunts sont enterrés dans des tombes (Ar-Rûh, p. 70). Cependant, les mots "les tourments de la tombe" désignent les tourments du "monde même d'après la mort" (en arabe : barzakh), et non pas seulement de l'espace physique que représente la "tombe" proprement dite (Ibid, p. 56).
Malgré tout, bien que se trouvant dans "le monde d'après la mort", l'âme garde un lien avec la "tombe" proprement dite, là où le corps qu'elle habitait sur terre a été enterré (Ibid, p. 96, p. 111). Ceci est dû au fait qu'après l'irréversible séparation de l'âme d'avec le corps – lors de la mort –, un lien très ténu subsiste quand même entre l'âme et la dépouille corporelle (Ibid, p. 42, p. 62, p. 97). Ce lien est très ténu par rapport d'une part à ce qu'il était lorsque le corps était vivant sur terre, et par rapport d'autre part à ce qu'il sera lors de la résurrection des humains au jour du jugement (Ibid, p. 42). Quant au Hadîth qui dit que l'âme est ramenée au corps avant l'épreuve des trois questions posées par les anges (Abû Dâoûd n° 4753, Ahmad n° 17803), il ne signifie pas que le défunt revient à la vie telle qu'il la connaissait sur terre, mais qu'un changement se produit dans le lien existant entre âme et corps par rapport à ce qu'était ce lien juste avant cela après la
mort (Ar-Rûh, pp. 39-43).
L'âme, dont les propriétés sont différentes de celles du corps, peut cependant être tout à la fois liée à la tombe et être telle un oiseau qui vole dans le paradis (du barzakh), comme l'a dit un Hadîth cité plus haut (Ibid, p. 43, pp. 97-98, p. 111).
4. Les délices ou les tourments de ce monde d'après la mort sont-ils à prendre au sens propre ou dans un sens allégorique ?Shâh Waliyyullâh a cité certains des Hadîths qui traitent de ce qui se passe dans le monde d'après la mort : des anges apportent des soieries ou des chiffons pour recueillir l'âme de celui qui va mourir, deux anges questionnent le défunt après son enterrement, des tombes sont élargies, d'autres rétrécies, les actions du défunt se matérialisent sous la forme d'un homme de telle apparence, l'homme de mal est frappé, subit le tourment de serpents qui le mordent, etc. Shâh Waliyyullâh écrit en substance que trois chemins se présentent à celui qui lit ces Hadîths. Voici la substance de ses propos avec un exemple voisin de celui qu'il a donné :
A) Soit celui qui lit ces Hadîths les prend dans leur sens apparent (zâhir) et est donc amené à établir l'existence d'un monde d'une autre dimension. C'est cela que demande la règle des gens du Hadîth, comme l'a dit As-Suyûtî, et c'est ce à quoi Shâh Waliyyullâh appelle. Par rapport au Hadîth disant que les hommes de bien voient leur tombe élargie, il s'agit de dire que la tombe est bien élargie, mais il s'agit de la tombe non pas physique mais du lieu de la dimension spirituelle où il se trouve (comme l'a écrit Ibn Qayyim, je vais y revenir).
B) Soit il dit que la personne concernée voit ces choses comme ces Hadîths les décrivent, même si elles ne se trouvent pas devant lui ; Ibn Mas'ûd a donné une explication de ce genre à propos de la phrase coranique "… le jour où le ciel apportera une fumée visible" (Coran 44/10) ; il a dit qu'il s'agit d'une famine qui fera que les Quraysh, regardant le ciel, verront, à cause de la faim, comme de la fumée [= du brouillard]. Par rapport au Hadîth sus-cité, ce deuxième chemin consiste à dire que le défunt voit sa tombe être élargie, comme le dormeur, en rêve, verrait une chose semblable et en ressentirait pleinement les effets dans sa conscience.
C) Soit il dit qu'il s'agit de pures allégories. Par rapport au Hadîth sus-cité, cela consiste à dire que l'âme du défunt ne voit même pas le lieu où elle se trouve être élargi, mais ressent un bien-être que le Hadîth a voulu décrire comme étant comparable à ce qu'un homme vivant ressentirait si le lieu où il se trouve était élargi. Shâh Waliyyullâh écrit : "Je ne pense pas que celui qui choisit ce troisième chemin soit sur l'orthodoxie" (Hujjat ullâh il-bâligha, tome 1 pp. 53-56).
Si le musulman ne va donc pas jusqu'à prendre ces délices ou tourments décrits dans les Hadîths comme étant purement allégoriques, il ne les prend pas non plus dans un sens terrestre. Ibn Qayyim a écrit explicitement que l'élargissement ou le rétrécissement de la tombe, l'illumination de la tombe et la verdure ou le feu de la tombe ne sont pas du type des choses de ce monde (Ar-Rûh, p. 69, p. 64). Ces choses relèvent d'un monde qui est réel mais qui appartient à une autre dimension que le monde physique dans lequel nous vivons notre vie… un monde qui appartient à la même dimension que celui dans lequel les anges vivent et se déplacent… "un monde", selon la formule de Shâh Waliyyullâh, "qui n'est pas constitué des éléments physiques, et dans lequel les actes prennent une forme qui correspond à ce qu'ils représentent" (Hujjat ullâh il-bâligha, tome 1 pp. 51-56).