Le premier ministre danois mis en cause dans la crise des caricatures
LE MONDE | 07.06.06 | 14h02 • Mis à jour le 07.06.06 | 14h02
STOCKHOLM CORRESPONDANCE
La gestion de l'affaire des caricatures de Mahomet par le gouvernement danois d'Anders Fogh Rasmussen a été sévèrement mise en cause par la publication à Copenhague, fin mai, d'un rapport d'experts sur sa politique arabe. Grâce notamment au soutien de l'extrême droite, le premier ministre ne paraît pas, pour l'instant, menacé au Parlement.
Le rapport avait été commandé à plusieurs institutions danoises par le gouvernement lui-même afin d'évaluer l'"Initiative arabe" qu'il avait lancée en 2003, dans le cadre de sa politique de coopération, afin de promouvoir la liberté d'expression, la bonne gouvernance ou l'égalité des sexes au Proche-Orient et en Afrique du Nord.
La politique du gouvernement est critiquée dans une annexe du rapport - "Les conditions du dialogue : conflit des civilisations ou reconnaissance" - rédigée par trois chercheurs du Centre d'études du Moyen-Orient de l'université du Sud-Danemark. "L'affaire des caricatures, écrivent-ils, a montré que le Danemark ne souhaite pas, sur le plan pratique, le dialogue. Les arguments de l'opposant n'ont pas été reconnus comme valables, et le gouvernement a semblé estimer qu'engager un dialogue aurait été faire des concessions sur nos propres valeurs."
"Selon des chercheurs, (M.) Fogh est responsable de la crise", titrait mercredi 24 mai le quotidien conservateur Jyllands Posten, qui avait déclenché la crise le 30 septembre 2005 en publiant les douze caricatures de Mahomet qui ont enflammé le Proche-Orient.
Selon les médias danois, la principale erreur à reprocher au premier ministre est son refus de recevoir, en octobre, onze ambassadeurs de pays musulmans qui souhaitaient des explications sur la parution des dessins. "Le dialogue a été bloqué, ont souligné les chercheurs. C'est peut-être là la véritable offense dans l'affaire des caricatures : non pas que le prophète ait été outragé, mais que l'outrage n'ait pas été reconnu." Cette critique avait déjà été formulée en février par l'ancien premier ministre social-démocrate Poul Nyrup Rasmussen, président du Parti socialiste européen.
Dans la lettre de demande d'audience qu'ils avaient envoyée le 12 octobre à M. Fogh Rasmussen, les onze ambassadeurs s'inquiétaient "des tendances discriminatoires" de la société danoise et demandaient que les médias danois ne puissent pas "abuser de l'islam au nom de la démocratie, de la liberté d'expression et des droits de l'homme". Le premier ministre s'était borné à répondre que "la liberté d'expression était la fondation même de la démocratie danoise".
Olivier Truc
Article paru dans l'édition du 08.06.06
Sources:
http://www.lemonde.fr/web/imprimer_element/0,40-0@2-3214,50-780478,0.html