Caricatures de Mahomet: le directeur de France-Soir limogé
jeudi 2 février 2006, 11h57
http://fr.news.yahoo.com/02022006/290/caricatures-de-mahomet-le-directeur-de-france-soir-limoge.html PARIS (Reuters) - Le directeur de France-Soir, Jacques Lefranc, a été limogé par le propriétaire du quotidien, l'homme d'affaires franco-égyptien Raymond Lakah, après la publication de caricatures du prophète Mahomet dans ses colonnes.
Cette sanction, prise tard mercredi soir, a coïncidé avec de vives protestations dans le monde musulman dénonçant ces représentations qui mettent en scène le prophète.
Dans des déclarations à la presse, Raymond Lakah dit avoir pris cette décision "en signe fort de respect des croyances et des convictions intimes de chaque individu".
France-Soir est le seul quotidien français à avoir publié ces dessins, provenant d'un journal danois.
Il écrivait mercredi : "Oui, on a le droit de caricaturer Dieu" et se défendait dans un éditorial de toute intention "raciste" ou de "dénigrement" d'une communauté.
Jeudi, Serge Faubert, directeur général et rédacteur en chef du journal, est revenu sur cette affaire.
"L'islam interdit à ses fidèles toute représentation du prophète. Légitimement les musulmans ont pu se sentir heurtés dans leurs convictions", écrit-il.
"Tous ceux qui ne sont pas musulmans sont-ils tenus de se conformer à cet interdit ?", demande-t-il considérant que "la liberté religieuse, c'est la liberté de croire ou de ne pas croire".
France-Soir connaît des difficultés financières et est en redressement judiciaire.
jeudi 2 février 2006, 15h28
Caricatures de Mahomet: France Soir se défend, les dessins publiés à travers l'Europe
http://fr.news.yahoo.com/02022006/202/caricatures-de-mahomet-france-soir-se-defend-les-dessins-publies.html PARIS (AFP) - Le quotidien parisien France Soir a défendu jeudi le droit de la presse à railler n'importe quelle croyance religieuse après la controverse suscitée par sa reproduction la veille des caricatures danoises à l'image supposée du prophète Mohamed.
Dès sa une, clamant "Au secours Voltaire, ils sont devenus fous!" au dessus d'une photo montrant des fidèles brûlant un drapeau danois, le journal français demande puisque "l'Islam interdit à ses fidèles toute représentation du Prophète ... la question qui se pose est la suivante : tous ceux qui ne sont pas musulmans sont-ils tenus de se conformer à cet interdit?"
Le quotidien Le Monde, par un dessin de Plantu à la une et un éditorial, s'est joint jeudi, dans son édition datée de vendredi, à ceux qui défendent le droit de publier des dessins représentant ou caricaturant Mahomet.
"Un musulman peut être choqué par un dessin, surtout malveillant, de Mahomet. Mais une démocratie ne saurait instaurer une police de l'opinion, sauf à fouler aux pieds les droits de l'Homme", écrit le journal dans un éditorial intitulé "Caricatures libres". Plusieurs journaux européens avaient décidé de publier mercredi, au nom de la liberté de la presse, les caricatures de Mahomet, qui valent déjà au journal danois Jyllands-Posten les foudres du monde musulman.
En France, le quotidien populaire France Soir est pour le moment le seul à avoir publié mercredi les 12 caricatures du prophète avec en titre de "une": "Oui, on a le droit de caricaturer Dieu".
L'éditorial précise qu'"il n'y a dans les dessins incriminés aucune intention raciste, aucune volonté de dénigrement d'une communauté en tant que telle".
Le propriétaire de France Soir, l'homme d'affaires franco-égyptien Raymond Lakah, a limogé le président et directeur de la publication Jacques Lefranc, après la reproduction des caricatures de Mahomet.
M. Lakah indique avoir "décidé de révoquer M. Jacques Lefranc de sa fonction de président et directeur de la publication en signe fort de respect des croyances et des convictions intimes de chaque individu".
"Nous présentons nos regrets auprès de la communauté musulmane et de toutes personnes ayant été choquées ou indignées par cette parution", ajoute-t-il.
En Espagne, le quotidien national ABC (droite) et le quotidien catalan El Periodico (gauche) ont reproduit les dessins satiriques.
El Periodico assortit la publication d'un commentaire: "Il est logique que les caricatures irritent certains musulmans. Mais il n'est pas logique que, au nom d'une lecture littérale et inhumaine du Coran, on essaie d'éliminer aussi à l'étranger les critiques ou qu'on menace ceux qui (...) exercent la satire".
La presse britannique n'a pas publié les caricatures.
En Italie, "La Stampa" illustre un article factuel sur le sujet avec un des dessins les plus polémiques, montrant Mahomet coiffé d'un turban en forme de bombe à la mèche allumée. Toutefois, le journal n'invoque pas la liberté d'expression. Il Messaggero se contente d'un article, sans caricature.
En revanche, le quotidien à plus fort tirage d'Italie, Il Corriere della Sera, a publié deux dessins lundi, dont celui du prophète accueillant des kamikazes au paradis en déplorant une rupture de stock des jeunes vierges.
Ils sont assortis d'une longue chronique de Magdi Allam, éditorialiste musulman, qui juge les caricatures "certainement discutables", mais n'en défend pas moins la liberté d'expression. "Qu'attend l'Occident pour intervenir? Adoptera-t-il la politique de l'autruche jusqu'à ce qu'un autre Theo van Gogh soit assassiné (NDLR: cinéaste néerlandais assassiné en novembre 2004 par un islamiste maroco-néerlandais), à Copenhague ou à Oslo?", demande-t-il.
En Suisse, le quotidien populaire Blick a publié mardi deux des dessins incriminés et La Tribune de Genève compte publier les caricatures dans son édition de jeudi, afin, selon le rédacteur en chef du quotidien, "d'alimenter le débat en montrant l'objet du délit".
"Cette affaire est une illustration du choc entre une culture très sécularisée comme la nôtre et une autre culture où la religion est centrale", explique Dominique von Burg. "On peut comprendre les sentiments des musulmans, mais nous sommes dans un Etat pluraliste, on a le droit de faire ça".
Aux Pays-Bas, De Volkskrant (progressiste), De Telegraaf (populaire), NRC Handelsblad publient un ou plusieurs dessins ou la reproduction de la page incriminée de Jyllands-Posten.
Les autres journaux ont opté pour des photos de manifestants devant les ambassades danoises ou des dessins de leurs propres caricaturistes.
A Prague, le quotidien tchèque Dnes publie une petite reproduction des caricatures pour accompagner un article sur le sujet.
En Hongrie, le sujet est évoqué mais sans illustrations.
La France ne saurait remettre en cause la liberté de la presse, après la publication de caricatures de Mahomet, mais souhaite qu'elle s'exerce dans "un esprit de tolérance", a déclaré le ministre des Affaires étrangères Philippe Douste-Blazy.
"Les caricatures publiées ce jour (mercredi) dans ce journal n'engagent que la responsabilité du journal", a déclaré le chef de la diplomatie française qui était interrogé sur la publication des caricatures du prophète par le quotidien France Soir.
"Le principe de liberté de la presse, que les autorités françaises défendent partout dans le monde, ne saurait être remis en cause", a ajouté M. Douste-Blazy. "Il doit toutefois s'exercer dans un esprit de tolérance, dans le respect des croyances et des religions, qui est à la base même du principe de laïcité en vigueur dans notre pays".
En Allemagne, Hendrik Zörner, porte-parole de la Fédération des journalistes allemands (DJV), s'est dit hostile à la publication des caricatures. Le code de déontologie de la presse allemande, a-t-il rappelé, proscrit les articles ou images susceptibles de porter une grave atteinte "aux sentiments religieux ou moraux d'un groupe de personnes".
Le quotidien Die Welt (conservateur) est le seul grand journal à reproduire en "Une" une des caricatures danoises (Mahomet coiffé d'un turban en forme de bombe). Quatre autres dessins sont publiés en pages intérieures.
Dans son éditorial, le journal écrit: "On prendrait les protestations musulmanes plus au sérieux si elles étaient moins hypocrites. Quand la télévision syrienne a diffusé en prime-time des drames documentaires montrant des rabbins en cannibales, les imams se sont tus", écrit Die Welt.